Définition
Les greffes de la cornée permettent de traiter chirurgicalement toutes les pathologies cornéennes qui retentissent de manière importante sur sa transparence et la fonction visuelle.
Une cornée humaine normale est constituée de plusieurs couches successives ayant chacune un rôle précis dans la transparence cornéenne et la qualité de la vision. De la superficie vers la profondeur ces différentes couches se décomposent comme suit : l’épithélium, couche la plus superficielle, garant de la régularité de la surface de la cornée ; la membrane de Bowman ; le stroma qui constitue l’essentiel de l’épaisseur totale de la cornée et qui contribue à son architecture ; enfin l’endothélium couche de cellules qui ne se reproduisent pas et qui ont pour rôle de pomper l’eau contenue dans la cornée afin d’en assurer la parfaite transparence.
Toute pathologie au niveau des couches antérieures de la cornée créera une opacité plus ou moins dense, tandis qu’une maladie de l’endothélium aura pour conséquence la survenue d’un œdème cornéen diffus ou localisé.
Technique chirurgicale
L’intervention requiert des techniques de microchirurgie moderne, et consiste à remplacer partiellement (greffe lamellaire) ou totalement (greffe transfixiante) la cornée malade par un greffon humain délivré par une Banque des Yeux. Tout candidat à une greffe de cornée est placé sur une liste d’attente auprès de l’Etablissement Français des Greffes. Les délais d’attente se sont considérablement réduits ces dix dernières années et ne dépassent pas quelques mois désormais. Avant d’être délivré, le greffon est testé en laboratoire pour vérifier qu’il contient suffisamment de cellules et qu’il est indemne de toute maladie transmissible connue. Dans le doute le greffon est détruit et un autre rendez-vous opératoire est proposé dans un très court délai. Il n’y a pas à ce jour de greffons synthétiques, cette voie n’en étant qu’au stade de recherche fondamentale préliminaire.
L’intervention se déroule sous anesthésie locale, par injections péri oculaires de voisinage, ou générale, et sa durée moyenne est d’environ 30 à 45 minutes. Elle peut être le cas échéant associé à la chirurgie d’une cataracte particulièrement gênante, à la chirurgie d’un glaucome non équilibré sur le plan médicamenteux, ou à un changement d’implant intra oculaire.
Dans le cas d’une greffe totale la cornée est retirée et remplacée dans sa totalité sur un diamètre de 8,00 à 8,00mm. En moyenne 16 points de sutures sont placés sur 360 degrés tout autour de la greffe afin de permettre sa cicatrisation. Une coque protectrice sera placée sur l’œil opéré jusqu’au lendemain et sera, le cas échéant, remplacée par une paire de lunettes (peu importe lesquelles) dont le rôle est de protéger l’œil opéré d’un éventuel choc.
Mais le plus souvent aujourd’hui il est possible de ne greffer que la partie déficiente de la cornée. S’il s’agit des couches superficielles une greffe pré-descemétique (DALK Deep Anterior Lamellar Keratoplasty) peut être proposée, car la conservation de l’endothélium d’origine réduit de manière substantielle le risque de rejet. S’il s’agit de la couche profonde la technique la plus appropriée consiste en une greffe endothéliale (DMEK Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty) qui peut être réalisée à travers une petite incision et permet une récupération visuelle bien plus rapide qu’une greffe totale.
Une greffe de cornée peut parfaitement être réalisée dans le cadre de la chirurgie ambulatoire, avec un séjour en clinique de quelques heures. Dans d’autres cas, une hospitalisation pourra s’avérer utile ou nécessaire. Sa durée sera déterminée de façon précise, “à la carte”, au moment de la consultation préopératoire au cabinet, et tiendra compte de certains impératifs médicaux (traitement anticoagulant par exemple), de certains désirs particuliers, de l’entourage familial, du lieu d’habitation, etc.
Suites opératoires
Les suites opératoires sont en général très peu douloureuses voire indolores, hormis la sensation passagère d’un corps étranger. La récupération visuelle se fait avec un retard de 2 à 6 mois selon la technique opératoire. La présence d’affections oculaires associées peut limiter la récupération visuelle. Les soins locaux durent plusieurs semaines et consistent en l’instillation de collyres, parfois en l’application d’une pommade.
Le risque zéro en chirurgie n’existe malheureusement pas, y compris pour la chirurgie de la cataracte. Certains problèmes exceptionnels et imprévisibles peuvent ainsi être observés au moment de l’intervention ou pendant la période postopératoire. Rare mais grave, l’infection postopératoire (1 à 3 / 1000) se manifeste par un œil douloureux, et de très nombreuses sécrétions ; elle nécessite une consultation urgente et un traitement énergique. Une hémorragie intra oculaire peut parfois être observée, retardant la récupération visuelle, mais disparaît en général spontanément dans la majorité des cas. La perforation du globe oculaire au cours de l’anesthésie locale, ainsi que l’hémorragie expulsive per opératoire qui entraînent toutes deux la perte définitive de toute vision sont quant à elles devenues heureusement plus qu’exceptionnelles.
D’autres complications sont moins sévères. Il peut s’agir par exemple d’une cicatrice insuffisamment étanche, d’une chute partielle de la paupière supérieure, d’un hématome du blanc de l’œil ou de la paupière, de la perception de mouches volantes, d’une inflammation transitoire de l’œil opéré pouvant s’accompagner d’une augmentation de la pression intra oculaire, de troubles trophiques au niveau de la cornée greffée surtout en cas de mauvaise occlusion des paupières et/ou de sécheresse oculaire, de reprise de la pathologie de départ sur la greffe ( herpès oculaire).
Le problème le plus fréquent, survenant en moyenne dans 5 à 10% des patients opérés, est représenté par le rejet de la greffe qui n’entraîne pas la perte de l’œil mais un œdème du greffon qui réduit considérablement l’acuité visuelle post-opératoire. Ce phénomène de rejet varie selon le type de pathologie ayant motivé la réalisation de la greffe et survient toujours après un temps de latence plus ou moins long (quelques mois à quelques années). Le rejet peut dans un premier temps être traité par un traitement anti-inflammatoire local voire général énergique ; en cas d’échec il peut être possible de tenter une seconde greffe. Son pronostic est globalement bon.
CONCLUSIONS
La greffe de la cornée a fait aujourd’hui la preuve de sa maturité. Si comme pour tout autre acte chirurgical quel qu’il soit elle peut se heurter à des problèmes de cicatrisation inadéquate , à un risque infectieux, et à l’éventualité toujours possible d’un aléa imprévisible ou d’une réintervention , elle procure en règle générale une très grande satisfaction parmi les patients opérés.